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SAISON 3 - COPENHAGUE
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CHAPITRE 1

Je suis dans un pétrin royal. En tout cas, c’est le sentiment prédominant qui saisit mes entrailles quand je feuillette l’énorme dossier en ma possession sur la famille royale Kaarsberg et l’héritier du trône danois. La royauté danoise a une histoire très riche, mais plus j’essaie de comprendre quel prince descend de quelle lignée et quelle princesse est censée devenir reine, plus mon besoin d’alcool se fait pressant.

Je souris en notant le timing parfait de l’hôtesse de la Scandinavian Airlines qui arrive justement avec le gin tonic que j’ai commandé il y a quelques minutes.

– Merci.

– Du er velkommen, répond-elle.

Ma brillante assistante m’a fourni une liste des phrases usuelles et je comprends que l’hôtesse répond « de rien » en danois. Je suis supposé étudier cette liste, en plus de la montagne d’informations à propos de la princesse Christina Kaarsberg. Apparemment, il y a une façon particulière de s’adresser à la famille royale, et je suis sûr de me planter.

Pour quelle fichue raison est-ce que j’ai accepté cette mission ?

La réponse est simple : pour l’argent. Beaucoup d’argent.

Apparemment, mon amie Sophie a le bras long. Elle est un peu comme la marraine bonne fée d’International Guy. C’est grâce à elle que Skyler Paige est devenue notre cliente, et maintenant elle nous a décroché un contrat avec une princesse danoise, ou plutôt avec sa mère. C’est la première personne que je vais rencontrer en arrivant à Copenhague. Bien évidemment, tout cela est top secret. Personne ne doit savoir pourquoi je suis là ; seulement que je suis consultant auprès de la famille royale.

D’après ce que j’ai compris, nous avons pour mission d’aider la princesse qui est sur le point d’épouser le prochain roi du Danemark. Les informations de Wendy indiquent que le prince Sven, héritier du trône, a un large choix de fiancées. Apparemment, les prétendants au trône ne sont plus tenus d’épouser un membre d’une lignée royale. Cependant, le nouveau roi doit être un descendant direct du monarque précédent. La princesse Kaarsberg ne l’étant pas, justement, je ne comprends pas quelle est la véritable mission d’IG. Peut-être la mère essaie-t-elle de s’assurer que le prince choisisse une de ses deux filles.

Dans le doute, je reviens aux informations concernant la princesse Christina. Elle est ravissante, royale et élégante, avec un visage et un physique épatants. Sur la photo, ses cheveux châtains ondulés tombent sur ses épaules et sa frange arrive juste au-dessus de ses sourcils, attirant l’attention sur ses yeux bleu azur, comme le ciel d’un après-midi d’été. Sa bouche rouge carmin est en forme de cœur et son sourire narquois me rappelle celui de toutes les femmes coquines qui ont fini dans mon lit.

Je remarque immédiatement qu’elle n’a pas l’air sage d’une princesse guindée. D’ailleurs, j’en ai la preuve grâce aux photos de tabloïds la montrant en train de faire la fête dans les boîtes et les bars les plus branchés de Copenhague. Elle est tout sauf pudique, au contraire elle montre ses atouts dès que la nuit tombe. Il y a même des photos d’elle vêtue d’une minuscule robe rouge à sequins, si courte qu’elle couvre tout juste ses fesses. En même temps, elle a un corps superbe : une forte poitrine, une taille de guêpe, des hanches généreuses et des jambes divines. Tous les hommes doivent baver devant sa morphologie en huit, or je la vois toujours seule.

Une femme avec un tel sex-appeal mériterait d’être courtisée par toute la gent masculine du pays. Alors, quel est le problème ?

Encore une question à poser plus tard. En attendant, je fouille dans mon attaché-case pour en sortir le livre que j’ai acheté en allant à l’aéroport. Dévoile-moi, de Sylvia Day. La couverture suffit à elle seule à me faire frissonner de plaisir en pensant à la femme que j’ai laissée à New York. Je soupire et recule dans mon siège moelleux de première classe.

Que fait-elle en ce moment ?

Est-ce qu’elle pense à moi ?

Est-ce qu’elle arrive à dormir ?

La dernière question m’intéresse tout particulièrement, car je n’ai pas fermé l’œil depuis que j’ai quitté son lit il y a trois jours. Je n’aurais jamais cru que dormir avec elle aurait une telle influence sur ma vie, mais c’est bien le cas. Je ne cesse de penser à elle, perchée en haut de sa tour. Comme je suis une poule mouillée, je n’ai fait que lui envoyer des messages alors que je rêve d’entendre sa voix, j’en ai besoin, même.

J’avale une gorgée de gin tonic et laisse l’alcool me détendre. Je ferme les yeux et, comme toujours, c'est son visage qui apparaît. Avec ses yeux caramel, ses joues roses, ses lèvres gonflées, ses cheveux blonds étalés sur l’oreiller comme les rayons du soleil.

Embrasse-moi, chéri. Je l’entends dans ma tête, et ma peau se couvre de chair de poule. Je grince des dents et j’essaie d’oublier le besoin urgent que j’ai de la voir, de lui parler et d’être près d’elle. Cette magnifique Skyler Paige. La nana de mes rêves, ma pêche, et bien plus encore. Ces trois semaines avec elle ont été comme trois semaines à Disneyland, en encore plus amusant. Tout est fun chez elle, sa façon d’être, son humour, le pli de son nez quand elle sourit, son corps superbe, la façon qu’elle a de se retenir de ronger ses ongles quand elle est nerveuse. Et en plus de tout ça, elle adore le sexe au moins autant que moi. Toutes ces choses m’appellent et m’attirent, c’est instinctif, et je n’ai jamais connu ça avec une autre femme.

Depuis que je suis parti il y a trois jours, j’ai tout fait pour comprendre le sort qu’elle m’a jeté. La seule réponse que j’ai trouvée, c’est qu’elle est Skyler Paige, une célébrité et une déesse. Toutefois, ça ne colle pas, parce qu’elle n’est en rien la personne qu’elle est sur l’écran. Chez elle, dans son penthouse, c’est une nana simple et naturelle. Elle mange des sandwichs de confiture et de beurre de cacahuètes, elle marche pieds nus, elle empile les sautoirs et les bracelets, et elle porte des débardeurs et des jeans, certains sont classe, d’autres ont vu des jours meilleurs, mais tous lui vont comme un gant. Elle n’est jamais coiffée. Ses cheveux sont lâchés ou relevés en chignon, mais ils sont toujours sauvages. Elle ne ressemble en rien à la femme que l’on voit sur les tapis rouges ou en couverture des magazines. Et… quand l’article sortira dans People, le monde entier le saura.

Finie la Skyler parfaite qui ne mange jamais de pizza et qui ne porte que des vêtements haute couture. Bientôt, le monde entier saura, comme moi, que Skyler Paige a une âme pure et sublime, beaucoup d’humour et les mêmes complexes que toutes les femmes de vingt-cinq ans qui veulent être acceptées et aimées pour ce qu’elles sont vraiment.

Je tapote la couverture du livre que j’ai acheté, celui que Skyler adore et qui lui fait penser à nous.

Nous.

Faire partie d’un « nous » est un concept nouveau pour moi. Je ne sais pas ce que cela implique en dehors du fait que je la désire et que je veux passer plus de temps avec elle. Si c’est ce que « nous » signifie, alors je suis partant. Je n’ai pas été dans une relation monogame depuis la fac.

Kayla McCormick. Cette garce. Cette salope. La femme qui a ruiné mon amour.

Je ne lui ai jamais pardonné d’avoir couché avec mon meilleur ami. Je revois encore mon diamant briller à son doigt, resplendissant, alors que Greg la prend par-derrière. Je n’oublierai jamais le moment où je les ai surpris ni les excuses qu’il a voulu me faire gober, répétant qu’il n’y était pour rien, que c’était elle qui l’avait séduit, qui l’avait forcé.

Quel loser !

Pour moi, il n’était pas question de leur pardonner. J’ai tiré un trait sur Kayla ainsi que sur Greg, mon meilleur ami. Royce et Bo m’ont prouvé leur amitié en envoyant eux aussi valser cet enfoiré, décrétant qu’un véritable frère ne coucherait jamais avec la femme d’un autre. À leurs yeux, c’est le pire des crimes, punissable par l’exclusion de notre groupe, de nos projets d’International Guy et de nos vies. Et ce, pour toujours.

Quant à Kayla, ils ont eu moins de mal à l’exclure. Ils ne lui avaient jamais fait confiance et ils m’avaient conseillé de m’en méfier dès le début, mais j’étais amoureux. Elle était la femme de ma vie. J’avais tort, bien sûr, et je me suis juré de ne plus jamais baisser ma garde. Je n’ai pas rompu ma promesse une seule fois… jusqu’à Skyler.

Je vide tout l’air de mes poumons et bois une autre gorgée. Sommes-nous exclusifs ? Le « nous » dont elle a parlé fait-il référence à un couple engagé ou à deux personnes qui se fréquentent régulièrement ? Nous étions d’accord pour que les choses restent simples entre nous et pour ne pas coller d’étiquette à notre relation.

Tout ce que je sais, c’est que je veux la revoir. Est-ce que ça signifie que je ne veux voir qu’elle ? Je suppose que l’avenir me le dira. J’imagine un autre homme la tripoter et je vide mon verre d’un trait avant de faire signe à l’hôtesse de m’en apporter un autre.

Merde. Je n’avais pas envisagé, jusqu’à présent, que Skyler puisse voir d’autres hommes. Je serre la mâchoire et fronce les sourcils.

Quel droit ai-je sur elle ? Nous avons passé trois semaines ensemble et nous sommes d’accord pour nous revoir quand l’envie nous prendra. Jusqu’à maintenant, nous avons échangé quelques messages et elle m’a envoyé la photo la plus sexy que j’ai jamais vue. Je saisis mon téléphone et l’affiche.

Sa crinière sauvage encadre son visage et ses lèvres sont rougies, comme après que je l’ai embrassée. Elle couvre ses seins avec son bras, mais elle les remonte suffisamment pour me laisser voir une bonne partie de son décolleté. Peu importe qu’elle les cache, je connais par cœur cette poitrine.

– Waouh, quel veinard ! dit l’homme d’affaires assis à côté de moi en se penchant pour regarder Skyler. Eh, mais ce ne serait pas…

Il secoue la tête, comme s’il avait du mal à le croire.

– Laissez tomber.

Je fronce les sourcils et le fusille du regard. Il a l’air plutôt sympa. Il est mince, vêtu d’un costume haut de gamme, il porte des lunettes et ses cheveux sont coiffés en arrière. Il doit être cadre dans une entreprise. En fait, il me ressemble. Je suis également cadre dans une entreprise et je suis également vêtu d’un costume haut de gamme, même si le mien est bien plus branché. J’ai pris soin de mettre un de mes plus beaux costards, d’ailleurs c’est celui que je portais lorsque j’ai emmené Skyler dans ce restaurant italien, le soir où j’ai été pris en photo à ses côtés par les paparazzis qui ont essayé, en vain, de découvrir qui était l’homme à ses côtés.

L’avantage de ne pas être célèbre, c’est qu’on peut préserver sa vie privée. Je sais que si je continue à voir Skyler, mon nom finira par apparaître dans la presse, mais le fait d’être au bras d’une femme sublime ne peut pas faire de mal à ma réputation. Quant aux médias, je n’ai qu’une chose à dire : qu’ils aillent se faire foutre !

– Désolé, dit mon voisin. J’ai tourné la tête à ce moment-là et quand on voit une femme sublime, ce n’est pas facile de détourner son regard, explique-t-il d’un ton sincère.

– Non, c’est vrai, je concède.

– Vous êtes sacrément chanceux d’avoir une femme aussi belle, ajoute-t-il en souriant. C’est votre femme ?

– Non.

– Je ne sais pas vous, poursuit-il en souriant, mais si j’avais une femme comme elle à la maison, je lui passerais la bague au doigt dès que possible. Vous avez forcément remarqué que c’est le portrait craché de Skyler Paige, non ?

– Ouais, c’est vrai qu’elle lui ressemble, je réponds en riant.

– On dirait des sœurs jumelles ! Mais veuillez pardonner mon impolitesse, je suis Lawrence Burn, je travaille dans le domaine pharmaceutique, dit-il en me tendant la main. Appelez-moi Larry.

– Parker Ellis, je réponds en la serrant. Je suis consultant.

– Ah ? Dans quel domaine ?

– Je fais un peu de tout. Mes partenaires et moi aidons des clients de grande notoriété à résoudre des problèmes divers et variés.

– Comme quoi par exemple ? demande Larry en buvant une gorgée de whisky.

Il se tourne complètement vers moi, l’air détendu, sincèrement intéressé par mon travail.

– Ça peut être tout et n’importe quoi. Récemment, on est intervenus auprès d’une femme qui avait repris les rênes de l’entreprise familiale et on lui a enseigné l’art de diriger tout en l’aidant à gagner en confiance, autant sur le plan personnel que professionnel. Nous avons également assisté quelqu’un du show-business qui avait perdu le goût de jouer. J’ai trouvé la source du problème et j’ai travaillé à ses côtés pour qu’elle puisse de nouveau exercer sa passion. Bien sûr, nous acceptons également des missions plus classiques de conseil en management et financier et, parfois, nous jouons même les entremetteurs… pourvu que le prix soit juste, j’ajoute avec un clin d’œil. Honnêtement, ça dépend du problème. Nous faisons un peu de tout, nous sommes des consultants de l’extrême.

– On dirait que vous vous êtes créé une niche intéressante.

– J’aime à le penser, oui.

– Je peux avoir votre carte ? demande-t-il.

– Vous avez besoin de conseils hors du commun ?

– Pas pour l’instant, répond-il en riant, mais on ne sait jamais ce que l’avenir nous réserve.

Je sors une carte de mon attaché-case et la lui donne.

– Vous n’avez pas tort.

– Vous vous appelez International Guy ?

L’hôtesse apporte mon second gin tonic et repart avec le verre vide.

– C’est ça, je réponds en buvant une gorgée, savourant la touche de citron vert qui réveille mes papilles.

Mon voisin finit son whisky et fait signe à l’hôtesse de lui en apporter un autre.

– Dites-m’en davantage.

*
*     *

Le soleil est sur le point de disparaître à l’horizon lorsque l’Audi Q5 aux vitres teintées s’arrête en douceur devant le Kaarsberg Slot. D’après les notes de Wendy, Slot veut dire « château » ou « palais ». Je descends de la voiture et j’avale une grande bouffée d’air frais en regardant les bâtiments majestueux et les jardins qui s’étendent à l’infini, envahi par une sensation de grande plénitude.

Le palais n’est pas des plus grands. On dirait plutôt une grande maison de maître, nichée dans une vallée et entourée d’arbres. La campagne danoise me rappelle beaucoup la partie huppée de la Géorgie, aux États-Unis, avec ses pelouses immaculées à perte de vue. Je suis face à un bâtiment blanc couronné d’un toit en ardoise, avec une tour en son centre. Une douzaine de fenêtres hautes et rectangulaires ornent la façade à intervalles réguliers, et ce sur trois étages. C’est loin d’être le plus grand palais que j’ai vu, surtout par rapport à ceux que j’ai visités lorsque j’ai fait le tour de l’Europe entre deux années de fac.

Les nanas adorent tout ce qui touche à la royauté, inutile d’en dire plus.

– Je vais garer la voiture et porter vos affaires à votre chambre, Monsieur Ellis.

– Je peux les prendre… je commence, mais le chauffeur secoue la tête.

Il repasse derrière le volant et démarre alors que la porte du palais s’ouvre sur un homme en queue-de-pie, certainement le majordome. L’homme, la cinquantaine, a un fort accent danois. Sans doute a-t-il travaillé toute sa vie pour la famille Kaarsberg.

– Sa Majesté la princesse Mary Kaarsberg vous attend, Monsieur Ellis. Veuillez entrer et me suivre au salon.

Mes chaussures couinent sur le sol en marbre blanc, mais je fais de mon mieux pour paraître calme et serein. Cette mission est étrange, c’est certain, mais tous nos contrats sont hors du commun. Cette fois, on ajoute simplement « famille royale » à la liste de nos clients.

– Par ici, M. Ellis. Son Altesse est déjà installée, dit-il en ouvrant une porte. Majesté, je vous présente Monsieur Parker Ellis.

Une grande femme, vêtue d’une robe trapèze jaune, tourne le dos à la fenêtre devant laquelle elle se tient. Ses cheveux blonds brillent dans la lumière du soleil couchant.

– Monsieur Ellis. Merci d’être venu.

– C’est un honneur d’être dans votre merveilleux pays, Votre Altesse.

– Tout d’abord, Henrik, dit-elle en désignant l’homme qui m’a ouvert, sera votre valet pendant votre séjour. Vous êtes l’invité du Kaarsberg Slot et de la famille royale. Il vous servira également de chauffeur et il répondra à tous vos besoins. N’hésitez pas à faire appel à lui.

J’ai mon propre valet ? C’est tellement cool ! J’ai hâte de le dire aux gars, surtout à Royce qui serait particulièrement ravi d’être à ma place. À peine arrivé, je suis sûr qu’il demanderait à Henrik de repasser ses costumes et ses chemises.

– Merci, Votre Altesse. Henrik…

Je le salue en lui faisant un signe de la tête.

– Ce sera tout, Henrik, dit-elle au majordome qui disparaît sans un bruit. Asseyez-vous, Monsieur Ellis, je vous en prie.

Elle désigne un des canapés vert olive. La pièce est décorée dans des tons de vert, d’or et de crème. Elle choisit de s’installer dans un fauteuil blanc cassé avec des broderies dorées à motifs cachemire. Elle se tient droite comme un piquet et son langage corporel me dit qu’elle n’a pas l’intention de tourner autour du pot.

– Votre Majesté, je comprends le besoin de rester discret jusqu’à présent, mais maintenant que je suis ici, pourriez-vous m’expliquer ce que vous attendez d’International Guy ? Nous avons beau aider nos clients dans bon nombre de problèmes, je n’ai jamais été dans cette situation. Je dois avouer ne pas la comprendre.

– Monsieur Ellis, ma fille, la princesse Christina, a été choisie par le prince héritier pour être son épouse.

– Et elle ne veut pas l’épouser ?

Elle secoue la tête et joint sagement ses mains sur ses cuisses.

– C’est tout l’inverse. D’après ce que je sais, et ça ne vient pas de la bouche de ma fille, hélas… ajoute-t-elle en fronçant les sourcils, révélant par là que mère et fille sont en désaccord et que Christina ne se confie pas à sa mère.

Cette information me sera utile pour plus tard.

– D’après ce que j’ai compris, Christina tient beaucoup au prince héritier. Ils se connaissent depuis toujours et, au fil des années, j’ai été moi-même témoin de leur rapprochement.

– Alors, où est le problème ?

Je me penche en avant et pose mes coudes sur mes genoux, appuyant mon menton dans mes mains.

– Je n’en suis pas sûre. Le père du prince héritier, le roi du Danemark, est tombé très malade durant cette dernière année, et il y a quelques mois, Sven a perdu son frère aîné, l’héritier apparent1, dans un terrible accident de cheval. Sven est donc devenu l’héritier du trône. Depuis, Christina se comporte de manière étrange. Elle sort à toute heure de la nuit et se fait photographier par les paparazzis, vêtue des robes les plus courtes, apportant le déshonneur à notre famille. Que savez-vous de la monarchie danoise, M. Ellis ?

– Hélas, très peu de choses, Madame.

– Je vois, répond-elle. Alors, je vais vous faire part de ses aspects les plus importants. La dynastie est divisée en quatre lignées. Le roi Frederik est à la tête de la branche régnante. Seul un de ses descendants directs peut hériter du trône et, après la mort d’Enok, Sven est devenu l’héritier apparent. Cela fait trois générations que le monarque se marie en dehors de la noblesse. En choisissant une épouse noble, Sven créera un lien entre notre lignée et le trône, ce qui aura de grandes et belles conséquences pour l’histoire du pays et sa monarchie.

– Donc, pour résumer, le prince héritier va devenir roi du Danemark et lorsqu’il épousera votre fille, elle deviendra reine. Quel est le problème ? En dehors du fait que votre fille s’est dévergondée ces derniers mois ?

– Le problème, Monsieur Ellis, est que ma fille a déclaré qu’elle ne voulait pas être reine.

J’ouvre la bouche pour répondre, mais je ne trouve pas ma voix.

– Elle veut que le prince épouse sa sœur, Elizabeth.

– Je ne suis pas sûr de bien comprendre. Votre fille veut refourguer le futur roi à sa sœur ! je m’exclame en éclatant de rire.

La princesse me fusille du regard. Apparemment, ma réponse ne lui plaît pas. Je sens des gouttes de sueur sur mon front et je réalise que je dois me montrer plus prudent et bien plus professionnel avec cette femme.

– Si vous avez fini… gronde-t-elle.

– Veuillez m’excuser, Votre Altesse. Poursuivez, je vous en prie, dis-je d’un ton gêné.

– La princesse Elizabeth serait ravie d’accepter d’épouser le prince héritier. Il est plutôt beau garçon, il est juste et gentil. Hélas, le prince ne veut que Christina. Il n’acceptera aucune autre femme. C’est là que vous intervenez…

Je fronce les sourcils, alors que ses yeux bleus brillent de malice. Nous nous dévisageons quelques instants, comme si nous étions en duel, mais c’est elle qui gagne. Je baisse les yeux et lorsque je relève la tête vers elle, je découvre qu’elle n’a pas bougé d’un iota.

– Vous devez remettre ma fille dans le droit chemin, Monsieur Ellis, vous devez l’apprivoiser, la préparer à épouser le prince, et la convaincre de devenir reine du Danemark.

Tout est dit.


CHAPITRE 2

Apprivoiser une fichue princesse. Pour l’apprivoiser, il faudrait déjà que je la trouve !

– C’est plus facile à dire qu’à faire, je grommelle en ouvrant la porte du bar.

C’est le dernier sur la liste que Wendy m’a envoyée. Je l’ai appelée pour lui demander de dénicher les adresses que la princesse a l’habitude de fréquenter et elle a fait appel à ses talents de hackeuse pour tracer les cartes de crédit de la jeune femme ainsi que les tags des réseaux sociaux et les photos des tabloïds.

Jolene est un petit bar à l’atmosphère détendue, servant des bières artisanales à une clientèle jeune qui vient écouter le DJ ou les groupes en live. Ce soir, c’est un DJ. La salle est éclairée d’une étrange lumière rouge qui ne va pas m’aider à trouver la jeune femme brune aux yeux bleus. Si elle est là…

Frustré, fatigué et mort de faim, j’avance vers le bar et je commande une pression.

– Dure soirée ? demande la barmaid.

Elle est très maigre et est vêtue d’un jean moulant et d’un petit débardeur. Ses cheveux noirs sont coupés au carré et ce n’est pas le meilleur choix pour elle. Toutefois, elle a un superbe sourire et des yeux de biche. Elle mesure au moins un mètre quatre-vingts et ses jambes sont immenses, la pauvre va devoir se trouver un joueur de basket.

J’avale une grande gorgée de bière en la terminant par un « Ah » satisfait. Après sept heures et demie de vol, après avoir parlé à la princesse Kaarsberg et passé plusieurs heures à fouiller les bars et les boîtes de la ville sans succès… je suis sur les rotules.

– On peut dire ça, oui. Est-ce que vous servez à manger ?

– Ça dépend de ce que vous voulez.

– N’importe quoi. Un burger, un steak-frites. Je prends ce que vous avez.

Mon estomac gargouille, mais on ne l’entend pas à cause de la musique.

– On sert des burgers, mais ça n’a rien à voir avec ce que vous avez aux États-Unis.

– Peu importe, je ne suis pas chauvin. Toutes les nationalités de burger m’intéressent, je réponds en lui lançant un clin d’œil. Mais si vous me le déconseillez, qu’est-ce que vous me recommandez ?

– Si vous voulez goûter une spécialité danoise, je vous suggère le frikadeller smørrebrød. C’est une sorte de tartine de pain de seigle avec des boulettes de viandes gratinées au fromage…

Je lève la main pour l’arrêter.

– C’est bon, je suis convaincu, vous avez dit les mots magiques : boulettes de viande et fromage. Je suis affamé.

– Ça roule, répond-elle en se dirigeant vers la cuisine.

Je bois ma bière lentement en balayant la salle des yeux, regardant les gens se trémousser sur la petite piste de danse. D’autres clients sont assis autour de tables rondes et crient pour se faire entendre. J’étudie la foule. Mon regard s’arrête sur une silhouette solitaire qui avance vers moi. Elle est grande, des courbes généreuses et des cheveux bruns ondulés. Sa robe moulante offre une belle vue sur son décolleté et elle s’arrête à mi-cuisses. Normalement, la bête l’aurait remarquée immédiatement, mais il y a quelque chose de familier chez cette femme.

Elle avance vers le bar où je suis assis. Un des spots illumine soudain son visage, révélant des yeux bleus, des cheveux bruns, une bouche en forme de cœur et une moue séductrice.

Bon sang ! La bombe qui vient de s’accouder à mes côtés, suivie par deux gardes du corps à l’air particulièrement menaçant, n'est autre que ma cible. La princesse Christina.

– Je peux m’asseoir ? demande-t-elle en me regardant de côté avec un sourire pincé.

Je désigne le tabouret :

– Je vous en prie.

Elle s’installe et croise ses jambes infinies, m’offrant un bel aperçu de ses cuisses musclées. Je comprends que le prince héritier soit dingue d’elle. Elle est canon. J’avale ma salive et me racle la gorge avant de lui tendre la main.

– Parker.

Elle hausse un sourcil et soupire avant d’accepter de me serrer la main.

– Christina.

– C’est un beau prénom pour une belle femme, je dis, suivant mon instinct.

Elle lève les yeux au ciel et tourne la tête de l’autre côté. J’attends sa réponse, certain qu’elle va arriver.

Trois.

Deux.

Un.

– Je parie que vous dites ça à toutes les femmes, rétorque-t-elle d’un ton ennuyé et condescendant.

– Qu’est-ce qui vous fait dire ça ? je réponds en dégainant mon sourire le plus suffisant, celui qui fait craquer toutes les dames.

– Sans doute le fait que j’ai entendu cette phrase une bonne centaine de fois.

Je bois une gorgée de bière et la laisse poursuivre. Elle passe sa main dans ses longs cheveux, ignorant sans doute combien les hommes trouvent ce geste sexy. Si elle essaie de ne pas l’être, c’est raté.

– Les hommes veulent tous la même chose. Peut-être que je suis simplement venue ici pour boire une bière.

– Ah oui ? je rétorque en ricanant. Si c’est le cas, pourquoi êtes-vous vêtue d’une minirobe et de talons aiguilles ?

Elle s’accoude au bar et tourne la tête vers moi, m’offrant un sourire faussement pudique.

– Peut-être que je voulais simplement être belle… pour moi.

– Désolé, Princesse, mais vous ne me ferez pas gober ça. Ni à moi ni aux autres hommes présents dans ce bar. Ce qui m’intéresse, c’est pourquoi vous le faites.

– Alors, comme ça, vous savez qui je suis. Peu importe. Tout le monde le sait ici, dit-elle en dégageant ses cheveux.

La barmaid pose mon assiette devant moi. Et j’ai l’eau à la bouche en sentant l’odeur divine du plat. Je sors les couverts de la serviette, que je pose sur mes cuisses, et je me prépare à dévorer la spécialité suédoise.

– J’en sais davantage sur vous que vous ne le pensez, Christina, je déclare avant de couper ma tartine, m’assurant qu’il y a à la fois de la viande, du fromage et du pain sur ma fourchette.

L’explosion de saveurs est un véritable feu d’artifice culinaire. Les épices, la viande, le fromage et la sauce sont divins et je me dépêche d’avaler ma bouchée pour en prendre une autre.

– Vous ne savez rien. D’ailleurs, si j’en crois votre accent, vous êtes américain. Vous êtes sans doute un homme d’affaires à la recherche d’une nana avec qui passer du bon temps. Eh bien… Parker, ce ne sera pas moi. De toute façon, je suis prise, déclare-t-elle d’un air prétentieux.

Je hausse les sourcils et la regarde droit dans les yeux.

– Ah oui ? D’après les tabloïds que j’ai lus, vous êtes libre comme l’air. Il y a quelque temps, il y a eu des rumeurs selon lesquelles vous alliez peut-être épouser un prince. Ce n’est plus le cas ?

– C’est ma sœur qui va l’épouser.

– Ah bon ? La princesse Elizabeth ?

– Oui, gronde-t-elle d’un ton amer, comme si la réponse la faisait souffrir.

– Hmmm. Voyez-vous, quand j’ai rencontré votre mère tout à l’heure, ce n’est pas ce qu’elle m’a dit. D’après ce que j’ai compris, c’est vous que veut le prince Sven.

Elle m’étudie en me fusillant du regard.

– Qui êtes-vous ? Pourquoi parlez-vous à ma mère ? demande-t-elle en se redressant et en se rapprochant de moi.

Je prends une nouvelle bouchée du délice danois, puis je lève mon verre en direction de la barmaid pour la remercier de son conseil. Elle sourit, tout en continuant de s’occuper d’un autre client.

– Répondez-moi ! aboie Christina.

Lorsque j’ai fini ma bouchée et avalé une gorgée de bière, je me tourne vers elle et appuie un coude sur le bar pour être plus confortable. Je lui tends ma carte.

– Je suis un consultant venu des États-Unis. C’est votre mère qui m’a engagé.

– Parker Ellis, CEO1, International Guy Inc., dit-elle en la parcourant.

– C’est moi.

– Et qu’est-ce que vous faites ?

– Un peu de tout, je réponds en haussant les sourcils. En l’occurrence, votre mère m’a donné pour mission de vous convaincre d’épouser le prince.

– Vous plaisantez !

Je secoue la tête et découpe une nouvelle part de tartine.

– Je crains que non, Princesse, je réponds en enfournant une nouvelle bouchée.

Christina se tourne vers le bar et lève la main.

– Il va me falloir deux shots de whisky, dit-elle à la barmaid qui hoche la tête et s’exécute.

Du whisky ? J’adore.

– Je prendrai la même chose, je dis à la serveuse. Mettez ça sur ma note.

– Je n’ai pas besoin que vous payiez mes verres.

– Je vous dois bien ça, après vous avoir prise en traître.

– Alors, votre présence ici n’est pas une coïncidence. Comment m’avez-vous trouvée ?

– Princesse, vous croyez vraiment que c’est difficile ?

– Je suppose que non, répond-elle. Être célèbre a ses désavantages. On n’est tranquille nulle part.

– Oh, je ne sais pas. Si vous habitiez dans un château immense comme celui du prince, il y aurait sans doute des dizaines de pièces où vous pourriez être seule.

Elle soupire et se masse le front alors que la barmaid pose nos shots sur le bar. La princesse en saisit un et, sans même me regarder, elle le vide d’un trait. Il semblerait que cette nana soit pressée d’être saoule.

– Eh ben… moi qui allais porter un toast ! je dis en riant.

Christina sourit brièvement et se tourne vers moi, le second verre à la main.

– Allez-y… j’attends.

Je lève mon verre et la regarde droit dans les yeux.

– Buvons au jour où vous assumerez votre avenir.

Elle ferme les yeux et vide le shot. Elle est sur le point de parler quand un de ses gardes approche et chuchote à son oreille.

– Est-ce qu’ils ont pris la petite princesse parfaite en photo avec Mère et Père ? demande-t-elle.

Le garde hoche la tête.

– Bien. Et ils sont ici, maintenant ?

– Oui, Madame.

– Parfait. Alors, c’est parti.

Elle sourit et se lève, puis elle remonte sa robe sur ses cuisses, à tel point que c’est indécent. Elle se penche en avant, secoue ses seins, et tire sur le tissu de sorte que ses seins débordent presque du vêtement.

– C’est quoi ce cirque ? je m’étonne.

– Je dois y aller, déclare-t-elle en ébouriffant ses cheveux avant de tourner les talons.

Sans réfléchir, je saisis son poignet pour l’arrêter, mais son garde empoigne fermement mon épaule.

– Lâche-la, mec. Je suis capable de te tuer sur place, et j’ai l’autorisation de le faire, gronde-t-il.

Je déglutis et lâche son poignet.

– Attendez…

Elle se retourne et me regarde par-dessus son épaule.

– Je ne peux pas. Les paparazzis sont là et ils veulent un beau spectacle.

– Mais…

– Salut, Parker, dit-elle en s’éloignant avec un signe de la main.

J’envisage de la suivre, mais honnêtement, entre les shots, la bière, mon estomac plein de fromage fondu et le décalage horaire, je suis épuisé et j’ai l’impression d’être collé à ma chaise.

Je passe mon tour.

– Qu’est-ce qui vient de se passer ? je dis en secouant la tête.

Je me tourne vers la barmaid qui est devant moi et regarde la princesse se faufiler à travers la foule.

– Elle ne devrait pas faire ça, murmure-t-elle.

– Faire quoi ? je demande en m’appuyant sur le bar pour mieux l’entendre.

– Tout ce cinéma pour les paparazzis.

– Comment ça, ce cinéma ?

– Faire semblant d’être vulgaire et dévergondée, répond-elle en secouant la tête d’un air attristé.

– Elle fait semblant ? Mais pourquoi ? je demande en réalisant que la jeune femme est plus vive d’esprit que moi.

– Ce n’est pas évident ?

– Pas pour moi, non.

– Elle fait ça pour abîmer son image. Je parie que demain il y aura des photos de Christina, l’air saoule et aguicheuse, aux côtés de celles de sa sœur, parfaitement sage. Mais les gens se trompent. Elle n’est jamais saoule. Ça fait des années que je la connais. C’est la première fois que je la vois boire plus d’un shot. Elle a une idée derrière la tête, mais je ne vois pas laquelle. Bref, voilà votre addition. Vous semblez sur le point de vous endormir dans votre assiette.

Je hoche la tête et lui tends ma carte bleue.

– C’est vrai. Vous pouvez m’appeler un taxi ?

– Bien sûr.

Elle s’éloigne pour téléphoner et je termine ma bière en repensant à ce qu’elle vient de dire et au comportement de la princesse. C’est comme si elle attendait que la presse arrive pour sortir le grand jeu. Elle montre ses seins et ses fesses pour se donner un air vulgaire. Mais à quelle fin ?

La question me taraude alors que je sors du bar dans la nuit froide. Je boutonne ma veste en regrettant de ne pas avoir pris mon manteau.

Le taxi arrive, je lui donne l’adresse du Kaarsberg Slot.

– Vous êtes sûr ? C’est le palais royal.

– Oui, je suis sûr. Je travaille pour eux.

– On verra quand on arrivera au poste de garde.

– Ça ira, je vous le promets.

Il hausse les épaules alors que mon téléphone vibre.

Je le sors de ma veste et étudie l’écran. Avant mon départ, j’ai demandé à Wendy d’y installer une alerte sur Christina Kaarsberg afin d’être au courant au moindre commentaire de la presse. Je clique sur le premier lien d’un magazine people.

« La guerre des princesses », annonce le titre, au-dessus d’une photo de Christina quittant le bar il y a une vingtaine de minutes. Ses seins débordent de sa robe, qui est si courte qu’on aperçoit le pli de ses fesses. Elle regarde les caméras en leur soufflant un baiser, comme si elle adorait être sous le feu des projecteurs. La photo est intitulée « Party Girl ». À côté, la princesse Elizabeth a été photographiée devant le restaurant d’un hôtel, entre sa mère et son père. Elle est souriante, vêtue d’une robe blanche qui lui arrive aux genoux, assortie de ballerines beiges. Ses cheveux blonds sont attachés en queue-de-cheval basse. Elle est la classe incarnée. L’ange parfait à côté du style diaboliquement sexy de sa sœur. Cette fois, la photo est intitulée « Sweet Girl2 ».

Sous les deux photos se trouve un encart où le lecteur peut voter pour décider quelle sœur le prince héritier doit épouser.

Je regarde la photo pendant un bon moment. La personne avec qui j’ai discuté dans le bar ne ressemble en rien à celle qui est sur ces photos. C’est comme si elle cherchait à se faire détester par le public… comme si c’était prévu.

Je me rappelle alors qu’elle a demandé à son garde du corps si les paparazzis avaient pris sa sœur en photo avec ses parents. Elle fait exprès de nuire à son image.

Les paroles de sa mère me reviennent en même temps.

« Ma fille a déclaré qu’elle ne voulait pas être reine. »

Je ris en regardant par la fenêtre. La princesse se sabote elle-même pour que le prince choisisse sa sœur. Je ne sais pas pourquoi elle agit de façon aussi extrême alors qu’elle pourrait simplement lui dire d’aller se faire voir. Enfin, peut-être pas en ces termes puisque c’est le futur roi, mais il doit bien y avoir un moyen de le rejeter sans passer par tout ce mélodrame.

J’ai encore plus envie de lui parler à présent, de comprendre comment elle réfléchit et pourquoi elle se comporte ainsi. Je comprends que sa mère veuille que je la ramène sur le droit chemin, mais si tout ça n’est que du cinéma, sa mère est le cadet de mes soucis. Il doit y avoir une autre raison. Il me manque une pièce du puzzle. Je ne baisserai pas les bras tant que je n’aurai pas la clé du problème.

Je suis sur le point de ranger mon téléphone quand il sonne, m’annonçant un message.

 

De : Ma pêche

 

À : Parker Ellis

 

J’espère que t’es bien arrivé au Danemark. J’ai rencontré l’équipe de tournage du prochain Sauvage. Tout s’est bien passé. On commence le tournage la semaine prochaine.

 

Je frissonne en voyant son surnom sur mon écran. Je suis tout de suite plus éveillé et, sans réfléchir, j’appuie sur le bouton pour l’appeler. Après tout, si elle m’écrit, c’est qu’elle ne dort pas.

– Allô, répond une voix suave.

– Ma pêche, je réponds en souriant.

– Je ne voulais pas risquer de te déranger en t’appelant, surtout si tu es occupé à apprivoiser une belle princesse, plaisante-t-elle.

Je ris et tiens le téléphone plus près de mon oreille, j’aimerais tellement être à ses côtés.

– Apprivoiser n’est peut-être pas le terme adapté…

– Ah bon ?

– Je ne crois pas qu’elle en ait besoin. Je n’ai pas encore compris à quoi elle joue, mais j’espère en savoir plus demain. Comment ça s’est passé avec l’équipe du film ?

– Super-bien. Je ne sais pas pourquoi j’étais aussi nerveuse. Je suppose que comme j’ai annulé mes derniers engagements, j’avais peur que les choses aient changé.

– Et c’était le cas ?

– Pas du tout. Tout le monde était normal, dit-elle d’un ton soulagé.

– Oh, Sky, c’est génial, je chuchote.

– Et j’ai prévu des répétitions avec Rick, mon partenaire. J’espère que ça va m’aider à me détendre encore un peu.

– Rick ? Tu parles de Rick Pettington, le mec avec qui le monde entier était persuadé que tu sortais ?

– Euh… ouais. Mais tu te rappelles que je t’ai dit que c’était surtout pour de faux ?

– Surtout ?

– Parker… gronde-t-elle d’une voix sexy qui réveille immédiatement la bête.

– Je sais qu’on n’en a pas parlé, mais… Mince, je ne sais pas comment le dire sans passer pour un enfoiré, je râle en passant ma main dans mes cheveux.

– Quoi ?

– Je ne veux pas que tu le fréquentes.

– Il le faut bien, espèce d’andouille, répond-elle en riant. C’est le premier rôle masculin du film.

– Non, je veux dire sur un plan personnel. Un plan amoureux.

– Ah… soupire-t-elle. Et toi et ta princesse ?

– Ce n’est pas ma princesse. C’est la princesse du prince, et il veut qu’elle soit sa reine. Tu n’as pas à t’inquiéter.

Elle acquiesce en fredonnant et ma queue tressaute aussitôt.

– Je n’ai pas l’intention de sortir avec Rick, déclare-t-elle.

– Tant mieux.

J’empoigne mon sexe et pousse un grognement, essayant de le soulager un peu, mais il veut Skyler et ça ne marche pas.

– Qu’est-ce qui se passe ? Je te manque ?

– Tu manques à ma queue, je rouspète à voix basse.

Elle éclate de rire et je regrette de ne pas pouvoir la voir pencher la tête en arrière, comme elle a l’habitude de le faire. Elle est divine lorsqu’elle le fait.

– Oh, je manque au cobra ?

Le cobra ?

– Eh bien, il me manque aussi, mais c’est surtout ta bouche qui me manque, susurre-t-elle d’une voix suave qui me fait grogner de nouveau.

– Ma pêche… il faut que tu arrêtes de me faire penser à ça. Je suis beaucoup trop loin de toi pour faire quoi que ce soit. Et puis, je suis dans un taxi.

– Pauvre chaton, glousse-t-elle. Si j’étais là, je te soulagerais avec un bisou magique.

– Bon sang, tu es machiavélique, je gronde alors que ma queue durcit de plus belle.

– Désolée, dit-elle en riant, mais tu me manques.

– Toi aussi. Je ne sais pas quand je vais rentrer.

– Tu m’appelles bientôt ? demande-t-elle d’une voix pleine d’espoir.

Si seulement elle savait que je me retiens de l’appeler tous les soirs quand je me couche et tous les matins au réveil ! Mais je ne peux pas faire ça, ce serait injuste pour elle. D’ailleurs, j’ai une mission ici, et elle doit se concentrer sur son prochain film.

Ce fichu Rick Pettington.

– Promis, je réponds.

– Bye, chéri, dit-elle avant de raccrocher.

Chéri.

Ce mot suffit à réveiller mon côté fleur bleue, celui que je ne montre qu’à mes parents et mes amis. Merde. Un seul mot, et je suis foutu.

Le taxi s’arrête au poste de garde.

– Comment vous avez dit que vous vous appeliez, Monsieur ? me demande le chauffeur.

– Parker Ellis.

Il le répète au garde et le portail s’ouvre.

Je passe mes mains sur mon visage. Le taxi m’emmène à l’arrière du palais et je suis surpris de voir qu’Henrick m’y attend avec la porte ouverte. Je paie le taxi et sors du véhicule.

– Je vous emmène à votre chambre, Monsieur.

– Merci de m’avoir attendu, Henrik. À aucun moment je me suis demandé où j’allais dormir après avoir trouvé la princesse.

– Bien sûr, Monsieur. Par ici. J’ai déjà ouvert votre lit. La porte de gauche, c’est votre salle de bains privée, dit-il en pénétrant dans une chambre. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, appuyez sur le bouton à côté de votre lit et quelqu’un viendra. Bonne nuit.

– Bonne nuit, Henrik.

Il referme la porte et je me déshabille immédiatement. Je me brosse rapidement les dents et je me couche à poil. Je devrais penser à la princesse et à la manière dont je vais résoudre le problème, mais c’est une déesse blonde qui accapare mes esprits et je m’endors, un sourire aux lèvres.


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